La crise de la Covid-19 a fortement remis en cause nos modèles de société. Selon le FMI, 2020 sera l’année de la plus grande récession depuis la « Grande dépression » des années 1930. Cette dynamique pourrait remettre en cause la dynamique des Objectifs du Développement Durable et leur financement, quand bien même ils sont essentiels pour opérer une transition vers un monde plus juste et durable.
Les Objectifs de Développement durable constituent « un appel mondial à agir pour éradiquer la pauvreté, protéger la Planète et faire en sorte que tous les êtres humains vivent dans la paix et la prospérité », selon le Programme des Nations unies pour le Développement - PNUD. Au nombre de 17, ils ont été lancés en 2015, avec comme horizon 2030 : après les Objectifs du millénaire pour le Développement, l’Agenda 2030 est la feuille de route destinée à la réalisation de ces ODD d’ici 2030.
Ce programme ambitieux nécessite néanmoins des financements à la hauteur, majeurs, à travers la réallocation de flux et la création de nouvelles ressources. Début 2019, le Fond monétaire international - FMI estimait à 2 600 milliards de dollars par an jusqu’en 2030 le financement des principaux ODD au sein des pays à faible revenu et émergents.
La crise sanitaire et économique mondiale actuelle ne simplifie pas l’équation, déjà complexe avant la pandémie. Face à cette dernière, c’est l’ensemble des pays de la planète qui est touché, directement ou indirectement, et qui doit prendre des mesures d’urgence. C’est l’économie mondiale qui s’essouffle : l’idée de relance risque de prendre le pas sur celle de transition, le court terme peut prendre le pas sur les moyen et long termes.
Pourtant, il est plus que jamais nécessaire d’investir nos ressources, par nature limitées, de manière intelligente et durable, afin de bâtir une société plus verte, plus égalitaire et plus résiliente face aux crises. Comment financer l’Agenda 2030 dans un monde vulnérable ?
Vers la plus grande récession depuis la « Grande dépression » ?
La crise que nous traversons actuellement met à mal les économies et systèmes financiers du monde entier. Mi-avril, le FMI s’inquiétait : « il est très probable que l'économie mondiale connaisse cette année sa pire récession depuis la Grande dépression, soit une récession plus grave que celle observée lors de la crise financière mondiale il y a une dizaine d'années ». Et de pronostiquer « une forte contraction de 3 % en 2020 [de l’économie mondiale] ». L’Organisation internationale du Travail - OIT estime quant à elle que 350 millions d’emplois vont être perdus au terme de cette crise. Enfin, les investissements directs étrangers sont en baisse d’environ 40 % à travers le monde depuis la pandémie.
L’incertitude complique la tâche des gouvernements pour lancer et orienter des plans de relance, alors même que les marges de manœuvre budgétaires se resserrent. Augmentation des dépenses publiques et perte de revenus pour l’Etat et les collectivités locales, réduction des niveaux d’activité dans un grand nombre de secteurs comme le tourisme ou le bâtiment, bouleversement des chaînes de production, réorganisation de la consommation et augmentation de l’épargne… L’impact budgétaire, économique et financier de la crise sera durable, de même que les changements de comportements des acteurs de l’économie.
La Covid-19, en plus de mettre en lumière et creuser encore les inégalités, affaiblit ou détourne les moyens d’y remédier, budgétaires comme politiques. La réponse à cette crise polymorphe doit s’appuyer sur des politiques fiscales intelligentes, l’investissement dans le développement humain et un engagement total dans la lutte contre les discriminations. La boussole existe d’ores et déjà : chaque État, chaque acteur doit mobiliser ses forces dans le cadre de l’Agenda 2030 pour construire un monde plus durable et plus résilient. Le cap fixé en 2015 nous oblige, et oblige les Etats.
Les 10 dernières années de l’Agenda 2030
En juillet 2015, lors de la troisième Conférence internationale des Nations unies sur le financement du développement, à Addis-Abeba en Éthiopie, la communauté internationale a pris des « mesures audacieuses » afin de réformer la finance mondiale et financer la réponse aux défis sociaux et environnementaux. Ce Programme d’action d’Addis-Abeba a étayé les Objectifs de Développement durable adoptés en septembre de la même année. Etats comme entreprises et acteurs privés sont pleinement concernés par ce programme d’action qui appelle à revoir les modèles existants. Dans le domaine de l’analyse extra-financière notamment, les critères ESG - environnement, social et gouvernance - constituent les trois piliers d’une gestion socialement responsable. Les mettre en oeuvre permet d’évaluer le niveau de responsabilité sociale et d’inclusion des entreprises.
Mettre en oeuvre les Objectifs de Développement durable nécessite d’articuler le public, le privé et la société civile, aussi bien au niveau global que local, face à une crise sanitaire, économique, sociétale sans précédent, mais également et surtout climatique. Ces ODD gagneraient par ailleurs à être inclus au sein du modèle et des processus de l’ensemble de ces acteurs. Ce sont encore bien souvent des organisations non-gouvernementales qui se chargent de faire le suivi de la mise en oeuvre des ODD, notamment au niveau financier. Néanmoins le Mexique comme l’Espagne ont adopté des structures budgétaires axées sur les Objectifs de Développement durable, et entendent les inclure dans la conception et la mise en oeuvre de leurs politiques publiques. Le temps presse : au tiers de l’Agenda 2030, il reste 10 ans pour atteindre ou dépasser ces objectifs, dans une logique de longue haleine.
L’Union européenne se remobilise face à la crise
Mettre en oeuvre les Objectifs de Développement durable nécessite d’articuler le public, le privé et la société civile, aussi bien au niveau global que local, face à une crise sanitaire, économique, sociétale sans précédent, mais également et surtout climatique. Ces ODD gagneraient par ailleurs à être inclus au sein du modèle et des processus de l’ensemble de ces acteurs. Ce sont encore bien souvent des organisations non-gouvernementales qui se chargent de faire le suivi de la mise en oeuvre des ODD, notamment au niveau financier. Néanmoins le Mexique comme l’Espagne ont adopté des structures budgétaires axées sur les Objectifs de Développement durable, et entendent les inclure dans la conception et la mise en oeuvre de leurs politiques publiques. Le temps presse : au tiers de l’Agenda 2030, il reste 10 ans pour atteindre ou dépasser ces objectifs, dans une logique de longue haleine.
Le 27 mai 2020, Ursula von Der Leyen, présidente de la Commission européenne, a proposé un plan de relance de 750 milliards d’euros, et surtout l’émission d’une dette commune pour le financer.
Pour répondre à la crise, l’UE a dans un premier temps pris la décision de participer au financement et au développement d’un vaccin contre le nouveau coronavirus. Elle a également émis des prêts à destination des Etats membres, de manière considérablement assouplie, pour faire face aux dépenses de santé ou pallier la mise à l’arrêt des économies. Mais le projet de plan de relance européen, annoncé quelques jours après un accord franco-allemand sur un plan de 500 milliards d’euros, entend aller plus loin.
Car de nouvelles inégalités se font jour en raison de la numérisation et du changement climatique, ce que le PNUD rappelait avec insistance en 2019. L’Union européenne entend bien se saisir de ces enjeux : la relance doit contribuer à accélérer les transitions numériques et vertes. Une perspective « Building Back Better » : face au désastre, construisons un monde plus durable, et réorientons la croissance et favorisons la création d’emplois décents. Avec le Pacte vert présenté en décembre 2019, l’Union européenne s’est placée à l’avant-poste des efforts internationaux en matière de climat et d’environnement. En parallèle, stimuler l’économie numérique permet de soutenir le développement de solutions innovantes à travers tous les territoires, notamment dans le domaine de la santé.
Chaque gouvernement dispose d’un capital de dix ans pour s’engager de manière plus déterminée encore en faveur de l’Agenda 2030 et des Objectifs de Développement durable. L’enjeu : que le monde d’après ne soit pas comme le monde d’avant, pour aborder les prochaines crises de manière bien plus résiliente.