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Polycrise | L'étude

« Polycrise » : un concept essentiel pour comprendre la bascule historique qui s’opère

Introduction de l'étude «Comprendre la polycrise »

· Polycrise

Section image

Les dernières années ont bouleversé nos certitudes sur la stabilité du monde. Nous avions imaginé les crises successives comme des parenthèses, mais leur enchevêtrement et leur simultanéité font qu’elles s’imposent désormais comme un nouvel état du réel. Alors que les conséquences des crises passées s’imposent encore au présent par leurs rémanences, leur persistance, de nouveaux chocs surviennent et brouillent nos points de repères au point d’incapacité la décision publique et le choix démocratique.

Nous avons voulu interroger cette profonde transformation. Pourquoi les sociétés contemporaines semblent-elles condamnées à l’urgence ? Comment penser l’action dans un monde où les crises se nourrissent les unes des autres ? Ces questions, qui traversent les institutions, les entreprises et les citoyens, forment le point de départ du travail qu’a mené l’Institut Open-Diplomacy en amont de sa présidence française du G7 en 2026, donc et la troisième présidence du Y7 que notre think-tank va conduire.

Notre démarche s’inscrit dans le champ de la prospective, non pour ajouter un rapport de plus à une production déjà foisonnante, mais pour proposer une lecture transversale et originale des mutations à l'œuvre. Nous faisons le choix de regarder les dynamiques d’interdépendance qui relient des phénomènes en apparence distincts. Cette étude n’a pas la prétention de tout couvrir, ni d’apporter des solutions définitives. Elle vise plutôt à offrir un cadre d’intelligibilité commun, permettant de comprendre comment les crises s’agrègent, se renforcent et finissent par redessiner nos horizons collectifs..

Cette entreprise pourrait paraître pousser le pessimisme à l’extrême, au point d’aboutir à des résultats totalement décourageants. Si l’horizon est sombre, notre objectif n’est pas catastrophiste : motivés par un profond désir de renouer avec le progrès, armés d’une rigueur méthodique pour cerner les menaces, nous avons pris le risque de « repartir du réel pour aller à l’idéal ». Penser la polycrise, c’est admettre que l’incertitude est le lot de notre situation politique contemporaine et qu’il ne sert à rien de la nier. C’est aussi refuser la fascination du désastre en cherchant, derrière la succession des ruptures, les logiques systémiques qui les relient et les moyens d’agir malgré elles..

Nous suggérons que la polycrise ne désigne pas une simple addition de menaces. Elle décrit un monde où les crises – géopolitiques, écologiques, économiques, politiques – s’amplifient mutuellement au point de produire un changement d’époque. Dans cet environnement, l’action publique ne peut plus se contenter de gérer des urgences sectorielles. Elle doit apprendre à naviguer dans la complexité, à articuler le court et le long terme, à anticiper les enchaînements plutôt que les événements isolés.

En donnant corps au concept de polycrise, notre étude cherche à ouvrir un espace de réflexion où lucidité et responsabilité se rencontrent. Loin de toute complaisance catastrophiste, elle assume un pari : de la conscience des fragilités naîtra une source d’action.

La montée en puissance de la prospective face aux crises multiples

La multiplication des crises des dernières années a suscité une production particulièrement dense de rapports prospectifs en France, en Europe et au niveau international. À l’Institut Open Diplomacy, nous lisons cette floraison comme le signe d’une

prise de conscience : un environnement durablement instable requiert non seulement des réponses politiques ponctuelles, mais aussi une capacité collective d’anticipation. En effet, l’objectif commun de ces rapports est de fournir aux décideurs publics, aux acteurs économiques et aux citoyens des clés de lecture permettant de s’orienter dans un environnement marqué par l’incertitude.

En France, plusieurs institutions publiques ont récemment souligné l’urgence de réintroduire le temps long dans l’action publique. L’Étude annuelle 2025 du Conseil d’État insiste sur la nécessité de surmonter la « dictature de l’urgence » et de redonner toute sa place à la planification prospective dans la décision politique. Dans le champ de la sécurité et de la défense, l’actualisation 2025 de la Revue Nationale Stratégique constate une « imbrication des crises » caractérisée par l’extension simultanée des champs de conflictualité (guerre en Ukraine, Moyen-Orient, Afrique) et par une rupture technologique sans précédent, de l’intelligence artificielle au spatial. Du côté des politiques environnementales, le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3) pose la perspective d’une France à +4 °C en 2100 et souligne l’impératif d’intégrer dès aujourd’hui cette trajectoire dans toutes les politiques publiques. Enfin, le scénario AME 2024 de l’ADEME actualise les projections climatiques et énergétiques en intégrant les récentes mesures réglementaires et industrielles, confirmant la profondeur des transformations à venir. Conçu comme un outil d’aide à la décision, il illustre concrètement l’ampleur des transformations structurelles nécessaires pour atteindre la neutralité carbone, en interrogeant à la fois nos choix technologiques, économiques et sociétaux. Ces travaux, bien qu’inscrits dans des domaines différents, dessinent un socle commun : la conviction qu’aucune politique publique ne peut plus être conçue sans tenir compte d’un horizon de long terme..

À l’échelle européenne, la Commission européenne a publié en 2025 son Rapport de prospective stratégique consacré à la notion de Résilience 2.0. S’appuyant sur les leçons de la pandémie et de la guerre en Ukraine, ce document insiste sur la nécessité de dépasser une approche purement réactive des crises pour entrer dans une logique proactive, capable d’anticiper des scénarios multiples et de renforcer l’autonomie stratégique de l’Union. L’Union est confrontée à un « monde plus imprévisible que jamais », marqué par la superposition des bouleversements géopolitiques, climatiques, technologiques et démographiques. Dans cette perspective, la résilience est définie comme la capacité à « rebondir en avant » (bounce forward), en transformant les structures plutôt qu’en restaurant le statu quo..

Les grandes organisations internationales livrent également des analyses convergentes. La Banque mondiale, dans ses Perspectives économiques mondiales de juin 2025, annonce une phase durable de faible croissance, aggravée par les tensions géoéconomiques. La CNUCED, dans son rapport Trade and Development Foresights 2025, insiste sur l’accroissement de l’incertitude et la montée des vulnérabilités systémiques des pays en développement La 20e édition du Global Risk Report, du Forum économique mondial, met en évidence l’accélération des « risques interconnectés » : conflits, polarisation sociétale, désinformation alimentée par l’intelligence artificielle et crise climatique. Enfin, l’Atlantic Council, avec son rapport Global Foresight 2025, propose des scénarios mondiaux à horizon 2035, incluant la possibilité d’un « ordre international réticent », d’une Chine dominante ou encore d’un monde gouverné par un climat de peur. Tous ces travaux insistent sur le caractère systémique et global des menaces. Le diagnostic est fort : l’incertitude est désormais structurelle, les crises s’accumulent et s’amplifient mutuellement..

De ce panorama émerge une triple tendance. Premièrement, nous l’avons dit, la réhabilitation du temps long comme impératif de l’action publique. Le court-termisme est, en effet, désormais considéré comme un risque en soi. Deuxièmement, la reconnaissance de l’encastrement des crises, qu’il s’agisse de sécurité, de climat ou d’économie. Troisièmement, l’insistance sur l’incertitude radicale et la difficulté à prévoir : les institutions privilégient aujourd’hui des scénarios contrastés plutôt que des trajectoires linéaires..

S’il est vrai que ces travaux éclairent chacun une facette décisive de l’époque dans laquelle nous vivons, la dynamique cumulative entre les différentes crises est rarement théorisée comme agent d’une rupture stratégique, voire d’une bascule historique. En effet, certains font le choix de se concentrer sur un aspect des crises actuelles, qu’il soit militaire, climatique ou économique, sans explorer systématiquement ses interconnexions avec d’autres secteurs. Or, c’est précisément dans les connexions entre ces crises que réside le caractère inédit de la période. Pour d’autres, la logique reste principalement réactive. Qu’il s’agisse de promouvoir la planification, de renforcer la défense ou d'accroître la résilience institutionnelle, l’enjeu est surtout d’absorber ou de contenir les chocs, plus que de penser leur dynamique cumulative. Enfin, la difficulté de nommer le changement d’époque demeure un enjeu majeur. Certaines analyses parlent de « divisions », d’autres « d’incertitudes radicales » ou « d’ordre international réticent ». Mais ces catégories restent descriptives, sans offrir une véritable clé de lecture partagée de l’espace public.

La notion de polycrise prolonge et articule ces analyses. L’Institut Open Diplomacy a pour ambition de proposer un cadre prospectif où l’enchevêtrement des crises, souvent perçu comme une fatalité, est reconceptualisé en basculement d’époque. Notre étude ne se substitue donc pas aux approches existantes, mais les relie dans une intelligibilité commune. En ce sens, la polycrise offre aux décideurs et aux citoyens une boussole intellectuelle, un outil pour dépasser un présent anxiogène et redéfinir un cap collectif de l’action publique..

La

polycrise : un concept pour nommer, analyser, gérer et… anticiper

L’histoire montre que les grandes transitions collectives s’organisent souvent autour de concepts capables de condenser leur complexité en une image commune. Ainsi, la notion de « révolution » au XVIIIe siècle a rassemblé les tensions politiques, sociales et économiques dans une figure partagée de rupture fondatrice. Celle de « nation » au XIXe siècle a donné sens aux luttes d’indépendance et aux bouleversements sociaux de l’époque. L’idée de « progrès » a permis de penser ensemble les mutations techniques et politiques de la Révolution industrielle. En Inde, le « swaraj » porté par Gandhi a donné forme à la lutte contre la domination britannique en unissant dimension politique, sociale et spirituelle. La « négritude », initiée par Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor, a valorisé l’identité noire comme levier de libération culturelle et politique. Le « panafricanisme », pensé depuis la diaspora et repris dans de nombreux mouvements d’indépendance, a fédéré les luttes anticoloniales autour d’une solidarité continentale. En Afrique du Sud, l’« ubuntu » a offert une vision de l’humanité partagée qui a guidé les efforts de réconciliation après l’apartheid. Autrement dit, des concepts-synthèses ont eu tendance à rendre visibles et compréhensibles les grands tournants de l’histoire.

Nous suggérons que la notion de « polycrise » s’inscrit dans cette lignée. Née sous la plume d’Edgar Morin et d’Anne-Brigitte Kern, elle visait dès les années 1990 à désigner l’inter-solidarité complexe des crises, c’est-à-dire la manière dont les crises s’appuient et se renforcent mutuellement. Lorsque Jean-Claude Juncker utilise le terme de « polycrise » pour décrire l’état de l’Union européenne en 2016 ou encore lorsque le Forum de Davos en fait le thème central de son Global Risks Report 2023, le terme devient visible dans l’espace public, produisant une catégorie qui permet d’orienter les représentations collectives.

Au-delà de cette fonction nominative, la polycrise est un instrument heuristique pour analyser les dynamiques d’entrelacement. Le travail du Cascade Institute marque une étape décisive en proposant une définition de la polycrise comme « l’enchevêtrement causal de crises touchant plusieurs systèmes mondiaux, d’une manière qui dégrade significativement les perspectives de l’humanité ». Trois mécanismes d’entrelacement des crises sont identifiés. Tout d’abord, les « pressions communes » sont les facteurs de contrainte globaux qui affectent simultanément plusieurs systèmes. Par exemple, la dépendance mondiale aux énergies fossiles alimente à la fois le dérèglement climatique et les tensions géopolitiques liées à l’approvisionnement énergétique. Ensuite, les « effets domino » se produisent lorsqu’une crise en déclenche une autre par propagation séquentielle. Ainsi, une crise sanitaire peut provoquer une crise économique, qui dégénère ensuite en crise sociale et politique. Enfin, les « rétroactions inter-systèmes » expriment l’idée que les crises s’auto-renforcent à travers plusieurs systèmes par des boucles de rétroaction. Le changement climatique, en intensifiant les migrations, accroît les tensions géopolitiques, lesquelles freinent la coopération internationale, ce qui, à son tour, pénalise l'action climatique..

En plus de ses fonctions nominative et heuristique, la polycrise possède aussi une dimension opératoire. En effet, l’historien économique Adam Tooze l’utilise pour décrire les années 2020 comme un « tableau de crises » (pandémie, guerre en Ukraine, crise énergétique, inflation, climat) qu’il suggère de penser dans une « matrice d’interdépendance ». Cette matrice montre l’interaction cumulative des crises, « un tout plus dangereux que la somme des parties ». Le Forum économique mondial opérationnalise également le concept à travers ses Global Risks Reports en proposant des cartographies de risques interconnectés et des scénarios d’avenir. Dans cette acception, la polycrise sert avant tout à gérer l’instabilité présente, en aidant à identifier des points de levier communs à plusieurs crises, à concevoir des politiques intégrées, plutôt que sectorielles, et à anticiper les cascades inter-systémiques afin de renforcer la résilience..

Ainsi, la littérature et les usages récents du concept de polycrise en révèlent trois fonctions essentielles. La fonction nominative consiste à donner un nom à l’accumulation de crises interconnectées et donc à en rendre le phénomène visible dans l’espace public. La fonction heuristique permet d’analyser les enchevêtrements et les dynamiques d’entrelacement des crises, en distinguant pressions communes, effets domino et boucles de rétroaction inter-systémiques. Enfin, la fonction opératoire est mobilisée pour concevoir des cartes de risques et orienter des politiques intégrées..

Notre démarche propose d’ajouter une quatrième fonction à la polycrise : la prospective. Il ne s’agit plus seulement de nommer, d’analyser ou de gérer le présent, mais d’utiliser le cadre de la polycrise pour explorer les futurs possibles. En identifiant les points de fragilité systémiques, en projetant les dynamiques cumulatives, en repérant les ruptures plausibles et en construisant des scénarios contrastés, la polycrise permet d’imaginer les conditions d’une transformation de long-terme et d’éclairer les choix collectifs en amont..

En d’autres termes, cette étude tente de donner au concept une valeur stratégique nouvelle, qui consiste à transformer une grille de lecture anxiogène du présent en un cadre d’orientation vers l’avenir.

C’est dans cet esprit que l’Institut Open Diplomacy place la polycrise au cœur de sa mission. Nommer l’époque, en penser les entrelacements, en extraire des leviers d’action, en anticiper les cascades : telle est la condition pour que les décideurs et les citoyens puissent agir avec lucidité face à la brutalisation du monde, à l’urgence climatique, aux fractures sociales et technologiques. Le Y7 organisé par l’Institut Open Diplomacy dans le cadre de la présidence française du G7 France en 2026 sera l’épreuve de vérité : donner aux jeunes délégués une voix exigeante, ancrée dans l’analyse de la polycrise et produire des recommandations à la hauteur des interdépendances systémiques..

Notre approche : comprendre la

polycrise à travers quatre crises matricielles

L’étude de la polycrise se confronte immédiatement à une difficulté méthodologique : comment analyser un phénomène dont la définition même repose sur l’intrication de multiples crises ? À vouloir en embrasser la totalité, le risque est de tomber dans la dispersion descriptive. À l’inverse, en se limitant à un nombre restreint de dimensions, on court celui du réductionnisme. Il est donc nécessaire d’identifier des crises matricielles, c’est-à-dire des foyers d’instabilité suffisamment structurants pour organiser les autres et suffisamment interdépendants pour rendre visible la dynamique cumulative qui définit la polycrise.

Dans cette perspective, nous retenons quatre crises majeures : la crise géopolitique, la crise écologique, la crise économique et la crise politique. Ce choix se justifie par trois raisons principales..

Premièrement, l’histoire montre que ces quatre dimensions constituent les ressorts centraux des grandes transitions collectives. Les guerres et les rivalités ont redéfini les équilibres de puissance à chaque bascule d’époque, de Westphalie à la guerre froide. Des civilisations disparues de l’Antiquité aux famines de l’Ancien régime, les crises écologiques rappellent la matérialité des limites naturelles et la dépendance des sociétés à leur environnement. Les mutations économiques, qu’elles soient industrielles ou financières, ont façonné les structures sociales et technologiques, déterminant les hiérarchies de puissance. Enfin, les crises politiques redéfinissent la légitimité des institutions et leur aptitude à organiser la cohésion collective face aux bouleversements de leur temps..

Deuxièmement, ces quatre crises matricielles se distinguent par leur degré d’interdépendance systémique. À titre d’illustration, l’invasion de l’Ukraine a bouleversé les équilibres géopolitiques, déclenché une crise énergétique globale, mettant en évidence la dépendance structurelle des économies européennes aux puissances extérieures. L’exemple des sécheresses prolongées et des incendies de grande ampleur montre quant à lui comment la matérialité des limites planétaires se répercute sur les autres crises. Ces crises écologiques perturbent les systèmes agricoles, amplifient les tensions sur l’eau et l’alimentation, ce qui peut contribuer à alimenter des déplacements de population et mettre les gouvernements face à des crises de légitimité..

Troisièmement, ce choix permet d’articuler les exigences méthodologiques de clarté analytique et d’intelligibilité prospective. Clarté, parce qu’il réduit le foisonnement des menaces à un petit nombre de foyers compréhensibles par un large public et par les décideurs. Intelligibilité, parce que leur croisement éclaire les dynamiques d’amplification propres à la polycrise. Autrement dit, ces quatre crises ne prétendent pas recouvrir l’ensemble des vulnérabilités contemporaines, mais elles dessinent une colonne vertébrale à partir de laquelle il devient possible de construire des scénarios contrastés et d’orienter l’action collective..

En ce sens, notre démarche vise moins à réduire la complexité qu’à lui donner une armature intelligible. Elle repose sur un double mouvement : analyser chacune de ces crises pour en comprendre les dynamiques propres, puis éclairer leurs entrelacements afin de restituer la logique cumulative qui fait la singularité de la polycrise. Ce double mouvement ouvre alors la voie à la prospective : en cartographiant les entrelacements, on peut anticiper les cascades, explorer des scénarios contrastés et dégager des marges de manœuvre collectives. La polycrise cesse ainsi d’être un constat anxiogène pour devenir un cadre stratégique permettant d’anticiper et de préparer les transformations à venir..

Cette approche a guidé la mise en place d’une enquête qualitative reposant sur un cycle d’entretiens semi-directifs. Chaque entretien a été construit à partir d’un guide commun, organisé autour de cinq blocs : un état des lieux factuel (faits stylisés, tendances lourdes, signaux faibles), une réflexion prospective (futurs possibles, bifurcations, points de bascule), une lecture systémique (interdépendances entre crises et indices de changement d’époque), une analyse institutionnelle et politique (acteurs, ressources, débats publics) et, enfin, une dimension critique ou refondatrice (cadres intellectuels, imaginaires, récits collectifs). Le format semi-directif a permis de maintenir un cadre analytique commun, tout en favorisant la circulation des idées et l’émergence de perspectives inédites..

Le choix des intervenants a été conçu pour refléter la diversité des regards qui éclairent aujourd’hui la polycrise. Le corpus repose principalement sur des chercheurs, professeurs, journalistes et essayistes, dont le recul et la capacité d’analyse critique permettent de relier les enjeux sectoriels à leurs dimensions systémiques. Ce noyau intellectuel a été complété par plusieurs experts issus de think tanks et quelques anciens responsables publics, afin d’articuler réflexion théorique et expérience institutionnelle. Ce choix méthodologique est assumé : il cherche à éclairer les logiques d’époque et les imaginaires collectifs qui orientent l’action publique, pour mieux comprendre comment celle-ci peut se transformer face à la polycrise.

L’étude de chaque crise s’est incarnée dans la réalisation de six à dix entretiens. Chaque entretien a pris pour point de départ un enjeu structurant propre à l’une des crises. Pour la crise géopolitique, les échanges ont porté par exemple sur la recomposition des alliances, la conflictualité énergétique et l’avenir du multilatéralisme. Pour la crise écologique, ils ont entre autres exploré les dynamiques du réchauffement climatique, les tensions sur l’eau et l’alimentation, ainsi que la crise de la biodiversité. Pour la crise économique, les discussions se sont notamment concentrées sur les chaînes de valeur mondiales, l’inflation persistante, les inégalités et la régulation financière. Enfin, pour la crise politique, les entretiens ont interrogé, entre autres sujets, la confiance démocratique, l’efficacité des institutions et la capacité à formuler un récit collectif face aux bouleversements contemporains..

L’exploitation de ce corpus a permis d’alimenter l’analyse des quatre crises systémiques retenues et de nourrir la réflexion sur les zones d’encastrement entre crises. C’est tout l’enjeu de l’analyse holographique exposée dès la section 0 : elle consiste à montrer, à partir de l’étude d’une crise particulière, les dynamiques des autres crises qui s’y reflètent. À l’image d’un hologramme où chaque fragment contient l’image entière, chaque crise étudiée est abordée comme une porte d’entrée vers la polycrise dans son ensemble. Cette méthode permet de montrer que les crises ne s’additionnent pas mais s’entrelacent, et que chacune contient en miniature les tensions systémiques des autres..

La

crise géopolitique : le retour des rapports de force et la fin des illusions de stabilité

Le volet géopolitique de la polycrise met en lumière l’effondrement des équilibres sur lesquels reposait l’ordre international libéral depuis 1945. Nous assistons à la reconfiguration de la relation transatlantique, à la montée des régimes autoritaires, à la fragilisation des institutions multilatérales et à la multiplication des zones grises de conflictualité. La nouvelle orientation des États-Unis bouleverse la hiérarchie des alliances. Washington, jadis pilier de la sécurité collective, agit désormais en puissance prédatrice, oscillant entre désengagement et provocation. Ce désalignement stratégique transforme les États-Unis d’allié en acteur potentiellement hostile à l’Europe.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie, quant à elle, incarne le retour brutal de la guerre de conquête au cœur du vieux continent. Le régime poutinien, militarisé et idéologiquement fermé, entretient la guerre comme instrument de cohésion interne et de survie politique. Son offensive vise la notion même de liberté telle que conçue par les démocraties libérales. L’Europe doit se préparer dans la durée à un environnement de sécurité durablement déstabilisé, en construisant une doctrine de résilience et de dissuasion intégrée. Ce défi s’inscrit dans un contexte plus large : l’affaiblissement des normes internationales et la paralysie du multilatéralisme. Le Conseil de sécurité est impuissant, le droit international marginalisé, la gouvernance mondiale éclatée. Pourtant, l’Union européenne reste un pôle normatif crédible, susceptible de refonder un ordre coopératif à travers des coalitions volontaires d’États partageant un socle de valeurs démocratiques..

Mais cette refondation ne peut ignorer la montée d’une autre puissance systémique : la Chine. Pékin conduit une stratégie de domination multidimensionnelle sur les plans technologique, économique, logistique et cognitif, fondée sur l’exploitation méthodique des dépendances occidentales. Son emprise sur les chaînes de valeur critiques (semi-conducteurs, batteries, IA, robotique, nucléaire civil) place l’Europe dans une vulnérabilité stratégique sans précédent. Le « derisking » affiché par Bruxelles reste pour l’heure un euphémisme masquant un désarmement industriel accumulé depuis des décennies. S’y ajoute la montée des instabilités sur le flanc Sud, où les recompositions identitaires, religieuses et sécuritaires transforment la Méditerranée en zone de turbulences chroniques. Enfin, la généralisation des menaces hybrides souligne que la guerre contemporaine s’étend désormais au champ des perceptions. La sécurité devient cognitive, la résilience devient sociétale. Dans ce contexte, l’autonomie stratégique de l’Europe est devenue une condition de survie..

La

crise écologique : transformation entravée et fracture du rapport au réel

La crise écologique constitue peut-être le pilier le plus transversal de la polycrise. Elle révèle le déni collectif d’une humanité qui tarde à s’adapter à la matérialité des limites planétaires. Dix ans après l’Accord de Paris, le désenchantement domine : régression politique, passage du climato-scepticisme au climato-bellicisme, remise en cause des instruments réglementaires européens. La réélection d’un président américain climato-négationniste et la résurgence d’une droite productiviste en Europe nourrissent un contrecoup politique et culturel qui sape les fondements mêmes de la transition écologique. Le discrédit croissant de la parole scientifique affaiblit, quant à lui, le pilier rationnel de la démocratie libérale et compromet la possibilité d’un projet collectif fondé sur la connaissance.

Au-delà de l’aspect politique et culturel, l’enjeu est civilisationnel. Il traduit une difficulté à redéfinir notre rapport au réel, c’est-à-dire à reconnaître la planète comme cadre de contrainte et non comme simple réservoir de ressources illimitées et gratuites. Sortir de ce déni suppose de passer d’un modèle de puissance extractive à une économie régénérative : réorienter les flux financiers vers le temps long, repenser la création de valeur, substituer à la rentabilité immédiate une logique de résilience. Cette mutation requiert un changement de paradigme profond, un réalignement entre valeurs, ressources et nature.

Or, les contradictions abondent, entre croissance et sobriété, innovation et sobriété énergétique, propriété individuelle et urbanisme durable. La planification écologique française illustre cette tension. Elle est ambitieuse dans sa conception, mais peine à s’ancrer territorialement. Son potentiel se heurte à un déficit de pilotage institutionnel et de relais locaux capables de territorialiser la transition.

Cette impasse s’enracine dans une culture politique centralisée, héritière du décisionnisme jacobin, où l’État planifie et la société exécute. Or, la transition écologique exige au contraire une appropriation horizontale. Elle ne pourra réussir sans reconnaissance des initiatives territoriales, sans dialogue structuré entre science, économie et citoyenneté. À travers cette nécessaire décentralisation cognitive et opérationnelle, se dessine un nouveau contrat social écologique : un pacte de justice entre générations et territoires, fondé sur la répartition équitable des efforts et la reconnaissance des vulnérabilités différenciées.

Ce contrat ne peut exister sans récit collectif : un imaginaire positif, inclusif et mobilisateur, capable de rivaliser avec les narratifs du déni et de la peur. Dans la polycrise, l’écologie est le socle d’une souveraineté réinventée, qui voit dans les limites du vivant les conditions d’une liberté durablebleble

La crise économique : vulnérabilité systémique et quête d’autonomie stratégique

Sur le plan

économique, la polycrise révèle la dépendance structurelle de l’Europe aux grandes puissances extérieures et la fin du confort de la mondialisation heureuse. La guerre en Ukraine, le retrait américain et la montée des tensions sino-occidentales redessinent la carte des interdépendances. Face à ce nouvel environnement, les Européens redécouvrent l’impératif de puissance : investir dans leur défense, mutualiser leurs capacités industrielles, reconstruire une base technologique commune. L’objectif affiché de consacrer jusqu’à 3,5 % du Produit intérieur brut à la défense traduit cette prise de conscience, mais soulève des défis budgétaires et sociaux majeurs. Sans coordination européenne, que ce soit via les eurobonds ou une politique d’achat commune, cet effort risque de nourrir les inégalités et d’alimenter des logiques nationales concurrentes.

La dimension économique de la

polycrise est également marquée par la montée des risques systémiques : risques climatiques, financiers et technologiques se superposent et se propagent par capillarité. Le dérèglement climatique génère déjà des zones non assurables, créant un risque d’effondrement d’actifs qui menace la stabilité bancaire mondiale. Le shadow banking et la spéculation liée aux crypto-monnaies accentuent cette vulnérabilité, tandis que la fragmentation géopolitique perturbe les chaînes d’approvisionnement. Le risque devient la norme, l’incertitude le cadre permanent de la décision.

Dans ce contexte

, la recomposition de l’ordre économique mondial prend une dimension stratégique. Le retrait américain, la remise en cause du rôle du dollar et l’offensive industrielle chinoise ouvrent un espace d’autonomie pour l’Europe, à condition de transformer sa vulnérabilité actuelle en levier. Cela passe par une sécurité économique européenne, fondée sur la souveraineté énergétique, la relocalisation des chaînes critiques et la maîtrise technologique. L’Europe doit concilier transition écologique et compétitivité. Elle doit développer un mix bas-carbone stable, une politique industrielle ambitieuse et une stratégie d’innovation tirée par la commande publique plutôt que par la subvention passive.

Enfin, la crise économique est aussi une crise de répartition. Le « quoi qu’il en coûte » a creusé la dette et les inégalités, alimentant la défiance entre classes sociales et générations. Le défi politique est désormais de concevoir un nouveau contrat de solidarité, où l’effort de réarmement, de décarbonation et de désendettement serait équitablement partagé. En effet, sans cette équité perçue, aucune politique économique ne pourra restaurer la cohésion sociale indispensable à la résilience collective.

La

crise politique : le vide du sens et la fatigue démocratique

Au cœur de la

polycrise, la crise politique agit comme un accélérateur et un amplificateur des autres. Elle ne résulte pas seulement d’un dysfonctionnement institutionnel, mais d’un essoufflement du sens. Les démocraties libérales ont perdu leur boussole narrative : le progrès ne fait plus promesse, la parole publique ne mobilise plus et le temps long s’est dissous dans l’immédiateté médiatique. Sans horizon commun, l’action publique devient gestionnaire et défensive. La démocratie se vide de sa substance projective, se réduisant à une mécanique sans imagination.

Cette crise du récit s’accompagne d’une guerre de l’attention. Les flux numériques désorganisent l’espace public, où la viralité remplace la véracité. La désinformation, la polarisation émotionnelle et la manipulation cognitive sapent la confiance et déstabilisent la décision collective. Le politique, pris au piège, perd sa capacité à hiérarchiser les priorités. Restaurer une souveraineté informationnelle, que ce soit via la régulation des plateformes, la transparence algorithmique et une éducation civique renouvelée, devient un impératif de sécurité démocratique..

S’y ajoute un déséquilibre démographique profond : la majorité électorale vieillit, la jeunesse devient minoritaire, assignée au rôle d’acteur symbolique et privé de leviers réels. Ce désalignement temporel mine la solidarité intergénérationnelle et enferme la démocratie dans le présentisme. Refonder le contrat démocratique suppose d’instituer la représentation du temps long par des instances dédiées aux générations futures, une planification transparente et un investissement massif dans l’éducation et l’autonomie des jeunes..

Enfin, la crise politique révèle un affaissement du commun, qui voit le lien social s’effriter et la conflictualité démocratique se muer en antagonisme violent. Or, la démocratie ne vit que de conflits reconnus et ritualisés. Il faut donc réhabiliter la conflictualité comme moteur du collectif, revitaliser les corps intermédiaires et reconstruire des espaces de délibération, à la fois locaux et numériques. Réarmer la démocratie signifie aussi en repolitiser les angles morts : les dominations de genre, de race, de classe qui continuent de miner la promesse égalitaire..

Comme un rhizome, la crise politique innerve toutes les autres : elle traverse les champs économique, écologique et géopolitique, révélant la part institutionnelle et symbolique de chaque déséquilibre. C’est elle qui détermine notre capacité à gouverner la complexité, à retrouver le courage du temps long et à reconstruire un horizon commun. Dans la polycrise, elle n’est pas la fin de la démocratie, mais la chance de sa réinvention.

Une prospective de la lucidité

La

polycrise transforme notre époque et nous projette dans un futur totalement inédit. Elle tisse ensemble les dérèglements géopolitiques, écologiques, économiques et politiques. Elle rend caduques les réponses fragmentées. Elle constitue une expérience collective de la limite : limite des ressources, du modèle de croissance, de la cohésion sociale, mais aussi du sens que les sociétés donnent à leur avenir.

En ce sens, la polycrise oblige à sortir des scénarios linéaires pour penser la complexité systémique, les effets de cascade et les bifurcations possibles. Elle demande d’apprendre à naviguer dans l’incertitude et à arbitrer entre des urgences qui se contredisent. La prospective devient alors une méthode de lucidité : comprendre le monde tel qu’il est pour pouvoir, peut-être, le transformer.

À travers l’analyse des interactions entre crises systémiques, nous voulons offrir une boussole intellectuelle, un outil pour penser l’avenir sans naïveté, et surtout sans renoncement.

En effet la polycrise, telle que nous la lisons, ne condamne pas à l’impuissance. Elle invite à repenser l’action dans un monde de contraintes, à reconstruire du sens là où tout semble s’effriter et à redéfinir les contours d’une responsabilité partagée entre générations et territoires. Animée par cette conviction, à la fois inquiète et exigeante, notre démarche cherche à faire de la lucidité un levier d’espérance active, une source d’énergie collective.

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L’Institut Open Diplomacy, fondé en 2010 par Thomas Friang, est un think tank reconnu pour ses travaux d’intérêt général. En 2025, face à l’accumulation de crises géopolitiques, écologiques, économiques et politiques qui s’aggravent mutuellement, il s’est donné pour mission de « comprendre et combattre la polycrise ».

Pour mener à bien cette mission, l’Institut a constitué un groupe de prospective. Les 10 co-auteurs du rapport ont engagé la réflexion en consultant plus de 30 experts de haut niveau afin d’analyser ces quatre grandes systémiques et leurs rétroactions, pour comprendre la bascule historique qu’opère la polycrise.

Cette étude, intégralement accessible via ces pages, est présentée au Sénat le 31 octobre 2025. Elle marque ainsi le 15e anniversaire de l’Institut Open Diplomacy et pose les bases du prochain sommet du Y7. Organisé sous présidence française du G7, il aura pour thème « combattre la polycrise ».

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