Les 9 et 10 mai, les ministres chargés de l’égalité entre les femmes et les hommes des pays du G7, se sont retrouvés à Bondy (Seine-Saint-Denis) et à Paris, pour préparer le sommet qui rassemblera les sept chefs d’Etat à Biarritz, fin août.
« Bondy ce n’est pas seulement Kylian Mbappé, ce sont aussi de jeunes femmes talentueuses qui font bouger les quartiers populaires », a affirmé d’emblée Sylvine Thomassin, maire de la ville. En conviant ce 10 mai au matin les ministres du G7 à Bond’Innov, incubateur situé dans les quartiers Nord de Bondy, Marlène Schiappa a souhaité sensibiliser ses homologues à la « pépinière de talents » dont regorge la ville. L’autonomisation économique des femmes a été à l'honneur de cette visite. Bond’Innov a accompagné depuis 2011 plus de 150 startups dont 40% sont portées par des femmes en 2019, majoritairement en Afrique. Au cours de la journée, deux autres défis ont été au coeur des discussions : la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et l’accès à l’éducation. Autant d’enjeux qui s’inscrivent dans la stratégie de diplomatie féministe prônée par la France au sein du G7 : faire de l’égalité femmes-hommes une grande cause mondiale.
Un G7 qui se veut à l’écoute de la société civile
Événement diplomatique majeur en 2019, la France a souhaité placer au cœur du G7 la réduction des inégalités et notamment celles entre les femmes et les hommes. Afin de répondre concrètement à ces défis, le président de la République a appelé, lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2018, à renouveler le format du G7 en s’ouvrant davantage à la société civile et en associant des pays de bonne volonté hors G7. C’est parce que la société civile gagne de l’ampleur que les institutions se doivent de l’écouter avec plus de rigueur. Une première occasion s’est présentée à l’Unesco ce jeudi 9 mai avec la rencontre entre le Women 7 (W7), un groupe de plus de 400 associations féministes, et Marlène Schiappa. L’objectif du W7 était clair : faire remonter aux chefs d’Etat du G7 une série de recommandations concrètes pour lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes.
Autre acteur majeur, le Conseil Consultatif pour l’égalité femmes-hommes. Créé sous la présidence canadienne du G7 en 2018, il a été reconduit par la France en 2019. Après une première rencontre à Paris le 19 février en présence d’Emmanuel Macron, les 35 personnalités issues de la société civile qui le composent, se sont réunies à nouveau ces 9 et 10 mai. Siègent notamment Emma Watson, Ambassadrice de bonne volonté de l’ONU Femmes, Denis Mukwege, récompensé du prix Nobel de la paix 2018 à la faveur de son action pour les femmes excisées, ou encore Inna Shevchenko, figure majeure des Femen. L’objectif affiché est de réunir, au sein d’un « bouquet législatif », les lois les plus favorables aux femmes à travers le monde et qui ont fait leurs preuves. Ce recueil de lois devrait être présenté aux chefs d’Etat lors du sommet de Biarritz, afin qu’ils s’engagent à en adopter au moins une. Dans la logique d’ouverture prônée par Emmanuel Macron, Marlène Schiappa a également convié à cette réunion ses homologues argentin, tunisien, norvégien, burkinabé, rwandais et néo-zélandais.
Une attention portée à l’Afrique et aux violences sexuelles
L’autonomisation économique des femmes passe nécessairement par la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Marlène Schiappa a évoqué lors de la conférence de presse les enjeux liés au cyber harcèlement. « Il ne suffit pas d’éteindre son ordinateur pour vaincre le cyber harcèlement » a-t-elle affirmé. En 2018, le Haut Conseil français pour l’égalité entre les femmes et les hommes a mené une étude sur les violences en ligne et le cyber harcèlement. Celle-ci montre que 92 % du contenu sexiste rapporté (insultes, menaces de viol..) n’a pas été supprimé sur les plateformes en ligne. Pour la Secrétaire d’Etat en charge de l’Egalité femmes-hommes, il est nécessaire d’exhorter les plateformes à retirer rapidement les contenus.
“Faire suivre les paroles par des actes”
De l’aveu même de diplomates ayant participé aux discussions, les négociations se sont prolongées tard dans la nuit avant d’aboutir à une déclaration commune, signée par les 7 ministres. Mais à l’issue de cette réunion ministérielle, la route pour Biarritz paraît encore longue et sinueuse. Longue, car s’il s’agit d’une « première impulsion », les engagements concrets doivent désormais être actés par les chefs d’Etat lors du Sommet de Biarritz (24-26 août). Sinueuse, car les obstacles sont nombreux. Ms Kathryn Kaufman, la représentante américaine, a ainsi reconnu à demi-mot les difficultés que les contraintes législatives propres à chaque pays, pouvaient faire peser sur l’adoption des lois du « bouquet législatif ». Dans une sortie à peine voilée contre la position américaine, son homologue allemande, a elle regretté l’impossibilité pour les membres du G7 de s’accorder sur un langage commun concernant les droits sexuels et reproductifs. Intervention remarquée et saluée par quelques longues minutes d’ovation de la part du public.
« La balle est dans le camp des chefs d’Etat » résume Friederike Röder à la sortie de la conférence de presse finale, « et nous allons nous assurer que la dynamique ne faiblisse pas ». La directrice de ONE Union européenne et France, également membre du W7, témoigne ainsi des attentes énormes suscitées par ce G7 auprès de la société civile internationale. Un enjeu majeur des négociations à venir est notamment le mécanisme de redevabilité ; mécanisme par lequel les engagements pris par les chefs d’Etat doivent pouvoir être mesurés et évalués. Les ONG insistent sur la nécessité d’une évaluation indépendante, contrairement aux pratiques actuelles. Ambition et impulsion politique ont été les maîtres-mots de cette réunion ministérielle. Rendez-vous est maintenant donné à Biarritz.