5 novembre 2019. Le Premier ministre arrête la date du second référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Ce sera le 6 septembre 2020.
Cette décision, concertée avec tous les dirigeants politiques de l’Île, souligne, après deux décennies marquées par la stagnation, le succès de l’accord de Nouméa. Le processus de décolonisation enclenché dans les années 1980 est désormais largement accepté sur le Caillou. Il peut être qualifié de valide dans sa phase institutionnelle comme le Secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres l’a affirmé en début d’année.
Le fait que le premier référendum se soit bien déroulé n’assure cependant pas le succès du second. Le vote de 2018 a mis en lumière les fractures calédoniennes. Un an après, il est possible de décrypter ses résultats, de considérer ses répercussions locales et nationales, et d’examiner les clivages et les difficultés qui peinent à disparaître. Tous ces points - bien au-delà de la question de l’indépendance - sont les enjeux réels de la décennie qui s’ouvre pour la Nouvelle-Calédonie.
Ce que nous enseigne le premier référendum calédonien
Le référendum de 2018 a rassemblé plus de 141 000 votants. La participation s’élève 81% du corps électoral, chiffre nettement supérieur aux 74% qui ont ratifié l’accord de Nouméa. Le suffrage a donc rencontré un véritable succès, d’autant plus notable dans un environnement général de défiance politique.
La plus grande incertitude concernait la participation au processus des partis indépendantistes kanaks. En effet, ces derniers ont évolué sur le sujet. Finalement, ils se sont en grande majorité rangé sur la position du plus important d’entre eux, le FLNKS, ce qui a contribué à resserrer le résultat final.
Si l’écart relativement faible entre le résultat du “oui” et du “non” peut faire passer le vote de 2018 pour un référendum classique, il traduit un clivage communautaire sans équivalent sur le territoire. L’écart de 13 points à l’échelle nationale ne se retrouve pas au niveau des provinces. Dans chacune d’elle, il est au minimum de 50 points. Resserrons encore le zoom au niveau des communes : sur les 33 communes du territoire calédonien, seules deux présentent un résultat où le “oui” et le “non” sont séparés de moins de 20 points. La polarisation est donc totale.
Un constat très simple et très amer s’impose : le résultat du vote est le reflet de la répartition de la population. Les calédoniens kanak ont voté pour l’indépendance, les calédoniens d’origine européenne ont voté contre. Cette corrélation flagrante est un véritable échec pour les promoteurs d’une société calédonienne unie. Tant sur la province Nord que sur la province Sud ou les Îles Loyauté, le vote positif au référendum est positivement et parfaitement corrélé au ratio de la population appartenant à la population kanak.
Pourquoi les réactions politiques ont été mesurées
Dans sa déclaration diffusée le soir du vote, Emmanuel Macron s’est félicité de la réussite du processus de paix. Quant à l'avenir il "invite chacun à se saisir des responsabilités exceptionnellement larges" confiées au gouvernement local. Il propose aux forces calédoniennes de se réunir, mais sans plus de précisions. Et pour cause, la question corse parasite totalement notre vision sur la Nouvelle-Calédonie.
Depuis ce référendum, on a très peu parlé de la Nouvelle-Calédonie en métropole. La ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, est en charge du dossier calédonien. Mais son activité semble principalement centrée sur la question du statut de la Corse. Elle a effectué plusieurs déplacements en Corse durant l’année 2019, aucun en Nouvelle-Calédonie, et n’a prononcé aucun discours sur la question depuis les résultats de novembre 2018. Son cabinet, sollicité par l’institut Open Diplomacy pour une demande d’entretien, n’a d’ailleurs pas donné suite.
Sur un plan de stratégie politique, il est possible de comparer la situation de la Nouvelle-Calédonie avec celle de la Corse. Les deux territoires en sont eux-mêmes conscients puisque le 12 octobre dernier, une convention de partenariat politique a été signée entre les dirigeants indépendantistes corse et kanak. Il n’en demeure pas moins que la situation socioéconomique du Caillou, et le clivage communautaire révélé par le référendum de 2018, n’a rien de commun avec une volonté séparatiste corse qui serait un pur choix politique.
Ce qui va compter à partir de 2020
La Nouvelle-Calédonie est l'un des territoires les plus inégalitaires en France. 17 % de la population y vit sous le seuil du taux de pauvreté. C’est trois points au-dessus de la moyenne nationale. C’est un résultat qui ne s’est pas amélioré depuis 1998 et qui là encore, est nettement plus élevé dans les provinces du Nord et des Îles Loyauté (respectivement 35 % et 52 %). 18 % de la population est en situation d’illettrisme, et le chômage des jeunes atteint 40 % de la catégorie des 15-24 ans. Les Kanaks subissent encore aujourd’hui les inégalités d’accès à l’emploi et de qualification.
L’accord de Nouméa ne prévoyait pas uniquement un processus d'autodétermination politique. Il s’engageait également à la “refondation d’un lien social durable entre les communautés” et la création d’une “communauté de destin pluriethnique”. Ce pan de l’accord est clairement à la traîne et mérite un engagement plus poussé de la part des autorités françaises.
Lors du dernier recensement de 2014, environ 16 % de la population du Caillou s’est déclarée soit métis, soit de la communauté “calédonienne”. Parvenir à l’établissement d’une véritable société calédonienne, mettre fin à la ségrégation spatiale et aux inégalités économiques, voilà les véritables enjeux dont dépend le futur de la Nouvelle-Calédonie. Que l’île demeure française ou non.