Quand on écoute Donald Trump, on est en droit de se le demander. Comment la principale puissance mondiale gère-t-elle la pandémie du coronavirus ? La question vaut pour sa population nationale, comme pour son influence globale.
Depuis le début de la crise du COVID-19, les Etats-Unis sont aux abonnés absents. À l'ONU, comme au G7. Quand ils ne sont pas aux côtés des contempteurs de la coopération internationale, de la science établie ou de la presse libre. Pire encore, le président Trump profite de ses conférences de presse pour accuser, pêle-mêle, les alliés - voyez l’Union européenne - et les rivaux - voyez la Chine - de tous les maux en rapport avec la pandémie.
La suite des événements nous révèlera exactement ce que cette attitude agressive aura coûté au leadership américain ; mais d’ores et déjà, Washington a enterré l’ordre international d’après-guerre. Le Conseil de sécurité n’a pas agi. L’OMS est marginalisée. La Banque mondiale est inaudible. Le FMI absent.
Pour l’heure, il s'agirait pour Washington de retrouver un semblant de crédibilité. Sans espérer si Donald Trump est réélu. En effet, les Etats-Unis ont pris un tournant décisif de découplage. Ils isolent, depuis trois ans, leur politique du monde extérieur ce qui va, qu'on le déplore ou qu'on s'en félicite, dans le sens de l'Histoire. Nul doute que la puissance économique et militaire des Etats-Unis s'en remettra. Mais il est à peu près certain qu'elle en sera structurellement modifiée.
Dans le meilleur des cas, plus intégrée dans une communauté internationale qu'elle semblait tour à tour vouloir dominer entièrement, ou déserter complètement. Dans le pire scénario, à court d'idées politiques neuves, les Etats-Unis pourraient se retrancher entre leurs deux océans, laissant de fait le gouvernail à l’Europe (si elle s’en saisit) et à la Chine (si elle continue).
Il faudrait alors inventer un nouvel ordre mondial. Sans doute moins libéral. La pandémie - comme la crise climatique - tendent à le rapprocher d’une forme de social-démocratie qui ne dirait pas son nom car portée disparue. C'est là où l'Europe, forte de sa culture politique en phase avec les aspirations populaires, pourra jouer le rôle de pivot politique et social que les Etats-Unis refusent de jouer.
Pour le moment, penchons-nous sur le malade : les Etats-Unis de Donald Trump. Durant la pandémie, le pays est plus divisé que jamais. Pour ce qui est des Républicains, les sondages montrent que 90 % d'entre eux soutiennent toujours le président. Ils tendent à penser que le coronavirus est, sinon un mensonge, du moins une situation très largement exagérée par la presse pour empêcher Trump. Pour les Démocrates, seulement 14 % confiants en la capacité du président Trump pour régler la situation dans les plus brefs délais. Le pays est totalement polarisé malgré l’accord bipartisan trouvé au Sénat pour soutenir l’économie du pays, qui doit être examiné à la Chambre avant d’être signé par le Président.
Notons tout de suite que certaines mesures de soulagement des petites et moyennes industries, et par conséquent de leurs employés, vont effectivement soulager la population. Ce qu'il faudra surtout retenir de ces mesures, tels les congés payés, l'assurance chômage prolongée, le salaire minimum relevé, c'est que la Chambre des représentants, qui détient la clé du budget de l'État américain, semble toute disposée à les rendre permanentes après la crise. Certains commentaires estiment que c’est l’approche sociale-démocrate préconisée par le Sénateur Bernie Sanders dans la primaire démocrate qui doit l’emporter aujourd'hui. Paradoxe politique : les Etats-Unis pourraient abandonner ce qu’ils adoraient hier - la loi du marché - pour un engagement « à l'européenne ». Certains disent même « à la française ». Pourtant, cet accord bipartisan ne concerne que la politique intérieure des États-Unis.
Force est donc de constater qu'il n'y a aucune coopération entre les deux plus grandes puissances économiques mondiales, l’Europe et l’Amérique. Ni sur la façon d’optimiser l’endiguement de la pandémie, ni sur la gestion des symptômes de l’épidémie. Pire, Washington essaye d'acheter à l'Allemagne ses recherches - aux résultats incertains d'ailleurs - au seul profit des citoyens américains.
Il n’y aura pas non-plus d’entraide humanitaire (le Peace Corps américain a rapatrié ses volontaires pour la première fois depuis sa création sous la présidence Kennedy), militaire ou financière (alors que le coronavirus se propage en Afghanistan, l'aide américaine a été diminuée d’un milliard de dollars après la visite du secrétaire d'État Mike Pompeo et les troupes américaines ont commencé à se retirer).
On attendait de l’hyperpuissance américaine une hypergestion de crise. C’est tout le contraire qui se produit. Certains sites conservateurs américains annoncent la couleur comme le Washington Examiner. L’article du 26 mars intitulé « Spain needs NATO assistance and a burden-sharing reality check » donne le ton. L’auteur, Tom Rogan, indique que l'OTAN devrait effectivement aider l'Espagne mais pas sans lui délivrer un sermon bien senti : « Spain has not been a good ally recently. Spain's present attitude toward the NATO alliance is very much one of a taker rather than a giver » critiquant au passage le « socialisme » du Premier ministre Pedro Sanchez en termes violents.
Si certaines mesures commencent à infléchir le cap isolationniste et incohérent pris par Donald Trump dans la gestion de la pandémie, le leadership américain du monde libre semble bien sur le point de s'éteindre définitivement avec le début de cette crise.
Les tweets furibonds de Donald Trump, l'incrédulité des spectateurs de Fox News, et les commentaires de l’élite conservatrice américaine auront achevé le travail. À l'Europe de retrousser ses manches.