Plutôt qu’un corps doctrinal unifié et homogène, le libéralisme trouve ses racines dans de nombreux écrits philosophiques tels ceux de Kant sur la « paix perpétuelle » ou de Montesquieu à propos du « doux commerce ». Ces derniers mettent tout autant en avant la notion d’égalité que la croyance dans le progrès et la rationalité individuelle. Comme « il n’[en] existe pas de description canonique »1 mais plusieurs visions,parlons des libéralismes plutôt que du libéralisme. Le libéralisme comme la construction d’une représentation du monde et des relations internationales qui le régissent, à travers plusieurs postulats que sont le multilatéralisme politique (et la stratification de ces mêmes relations entre l’Etat, les organisations internationales – OI, les ONG, les Eglises et des individus rationnels), l’interventionnisme selon le chapitre VII de la Charte des Nations unies2, la promotion des avancées sociales et des droits des minorités ainsi que la libre circulation des idées, autant que la facilitation de la mobilité interétatique des personnes et des biens par un abaissement progressif des frontières et des barrières douanières. Ajoutons enfin le principe de la rationalité individuelle et la possibilité pour les individus d'agir au niveau international (souvent par les élections, de plus en plus en tant que sujets du droit international), ainsi que « le fait pluraliste »3, au fondement du libéralisme politique, qui permet à la diversité de s’exprimer au sein des sociétés.
Antérieur au Réalisme qui a dominé durant la Guerre froide (1947-1991), le paradigme libéral a souvent été qualifié « d’idéaliste » car il n’aurait pas empêché l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale en 1939. Délaissé durant la division du monde en deux blocs idéologiques rivaux, ce paradigme a cependant accompagné le phénomène de mondialisation après 1991, notamment durant la présidence de Bill Clinton aux Etats-Unis (1993-2001) et les débuts de la diffusion des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les NTIC. Alors que les relations internationales se complexifient, que les acteurs globaux se multiplient et les clefs de lecture semblent se brouiller entre un niveau infra-étatique grandissant et des Etats conservant malgré tout leurs prérogatives régaliennes, le paradigme libéral n’a-t-il été qu’une parenthèse depuis 1991 ? Qu’ont provoqué les évènements qui ont jalonné l’année 2016 sur la scène internationale ? Est-il possible de conceptualiser l'évolution paradigmatique vers laquelle nous nous dirigeons ?
1 DOYLE M, “Liberalism and World Politics”, American Political Science Review,80 (4), décembre 1986, pp. 1 151 – 1 169 in BATTISTELLA Dario, « Chapitre 5/ La vision libérale »,Théories des relations internationales, Paris, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.), « Références », 2015 (5e éd.), pp. 171-206.
2 En cas de menace à la paix et à la sécurité internationales, le Conseil de Sécurité de l’ONU peut décider à l’unanimité des voix de ses membres l’emploi de la force armée. Site de l’ONU : http://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-vii/
3 RAWLS John, A Theory of Justice, University of Harvard Press, 1971.
Légende de la photo en bandeau : sommet bilatéral russo-chinois entre Vladimir Poutine et Xi Jinping, le 4 septembre 2016 (c) en.kremlin.ru.
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