Une « réunion de haut niveau », il n’en fallait pas moins pour le premier Sommet des Nations unies consacré aux réfugiés et aux migrants, organisé le 19 septembre dernier avant un autre Sommet des dirigeants sur la crise mondiale des réfugiés organisé par l’ONU à l’initiative des États-Unis.
Il est vrai que la situation est grave : le rapport 2015 du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) rappelle que le monde comptait, cette année-là, environ 65,3 millions de personnes déplacées du fait de persécutions, de conflits, de violences et d’autres violations des droits de l’homme dans le monde1. Un record historique bien peu glorieux, d’autant que la dynamique reste nettement à la hausse. Parmi ces personnes déplacées, on comptait pas moins de 21,3 millions de réfugiés, 40,8 millions de déplacés internes et 3,2 millions de demandeurs d’asile. Dans le même temps, pas moins de 7 000 hommes, femmes et enfants sont morts en tentant de traverser la Méditerranée. Mais ces chiffres ne doivent pas occulter le fait que si la crise des réfugiés a des conséquences mondiales, son impact reste circonscrit géographiquement : l’essentiel des réfugiés vient de trois pays, la Syrie (4,9 millions), l’Afghanistan (2,7 millions) et la Somalie (1,1 million) ; tandis que la majorité des réfugiés vit essentiellement dans huit pays : Liban, Jordanie, Turquie, Iran, Kenya, Éthiopie, Pakistan, Ouganda. Quid des pays les plus riches ? Eh bien, ils n’accueillent que 14 %2 des réfugiés !
Haut-commissariat aux réfugiés et Organisation internationale pour les migrations : un travail conjoint au sein du système onusien
« L’amère vérité est que ce sommet a été convoqué parce que nous avons échoué, que nous avons échoué à mettre fin à la guerre [en Syrie] »
« L’amère vérité est que ce sommet a été convoqué parce que nous avons échoué, que nous avons échoué à mettre fin à la guerre [en Syrie] » a déclaré le Haut-commissaire aux droits de l’homme, Zeid Raad Al-Hussein. Au moment où tout le monde se pose la question de l’utilité de l’ONU, après plus de 70 ans d’existence, la nomination de Karen AbuZayd, qui a travaillé pendant dix-neuf ans pour le HCR, comme conseillère spéciale pour le Sommet du 19 septembre dernier sur la gestion des mouvements des migrants et des réfugiés, souligne combien le HCR dispose d’une véritable expertise en matière de gestion des crises migratoires à grande échelle. Cette expertise a notamment bénéficié aux Européens puisque la création du HCR, le 14 décembre 1950, résultait du besoin de venir en aide aux nombreux Européens déplacés par la Seconde guerre mondiale. En 1954, le HCR a d’ailleurs reçu le prix Nobel de la paix pour son aide aux réfugiés européens.
Pourtant, la problématique des réfugiés ne recouvre pas totalement la question plus large du traitement des migrations à l’échelle internationale. On comprend donc pourquoi la Déclaration de New York du 19 septembre a notamment permis l’intégration de l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM) dans le système des Nations unies, attribuant pour la première fois à l’ONU un mandat explicite en matière de migration. Cette décision est d’importance car comme le souligne William Lacy Swing, Directeur général de l’OIM, « un nombre record de personnes sont déracinées et forcées à partir – réfugiés, déplacés internes, victimes de traite, mineurs non accompagnés. Le changement climatique menace 75 millions de personnes supplémentaires qui vivent à seulement un mètre au-dessus du niveau de la mer »3.
Bien que critiquée pour son absence de résultats concrets, la réunion du 19 septembre, qui avait pour ambition d’aboutir à une meilleure gestion des migrations internationales, dans « une approche humaine et mieux coordonnée », a donc posé les bases d’un traitement global de la question des migrations involontaires à travers le monde.
Par ailleurs, le traitement de la question migratoire suppose également de réhabiliter la figure du migrant dans un contexte de montée des populismes. C’est ce à quoi devrait servir la nouvelle campagne onusienne « Ensemble, respect, sécurité et dignité pour tous ». Une lecture sociale des Relations internationales a dès lors toute sa place dans le débat actuel : la perception de la figure du migrant par les opinions publiques joue un rôle essentiel dans le traitement de la question migratoire aux niveaux national et international. Sans cela, pas de réussite concrète sur le terrain. Loin de constituer un enjeu uniquement sécuritaire, la problématique migratoire est aussi une question humanitaire et sociale.
Une déception face au temps long de l’action
« Les pays riches doivent faire davantage pour accueillir, protéger et soutenir les réfugiés ».
Si le Sommet de New-York déçoit, c’est parce que la situation est critique et que l’espoir d’un Pacte mondial sur les réfugiés est renvoyé à 2018. C’est cette temporalité qui explique la réaction de Winnie Byanyima, Directrice générale de l’ONG britannique Oxfam : « Les gouvernements n’ont répondu qu’à moitié. Nous ne pouvons pas l’accepter ». Et d’ajouter : « Les pays riches doivent faire davantage pour accueillir, protéger et soutenir les réfugiés4. ». Force est de constater qu’aujourd’hui seuls les pays limitrophes des zones de conflits, et donc les régions du Sud, absorbent le plus grand nombre de réfugiés.
Le 20 septembre dernier, c’était au tour de Barack Obama de présider un second Sommet onusien sur les réfugiés afin de mobiliser de manière plus concrète les États sur des questions telles que le financement, l’accueil et l’intégration des réfugiés. Sept pays, dont la France, ont ainsi promis de réinstaller ou d’accueillir au moins dix fois plus de réfugiés qu’ils ne l’ont fait en 2015.
Le Premier ministre chinois, Li Keqiang, a quant à lui annoncé une contribution de son pays à hauteur de 89,5 millions d’euros en faveur de l’aide humanitaire. Cette aide, qui s’ajoute aux précédents engagements de la Chine, sera octroyée à plusieurs pays et organisations internationales concernées par la question des réfugiés.
Si la déclaration de New-York déçoit, c’est parce que loin d’endiguer la crise actuelle des réfugiés et des migrants, elle ne pourra, au mieux, qu’en atténuer les effets. Face à l’urgence de la crise, une réponse de moyen terme ne satisfait évidemment pas. Quant aux engagements récents des États européens, on peut légitimement douter de leur réalité lorsque l’on connaît la fébrilité des opinions publiques à l’égard de la question migratoire. Dès lors seul l’avenir nous dira si les ambitions et la générosité affichées à New-York seront réellement suivies d’effets. S’il n’est pas certain que l’ONU obtienne des résultats tangibles sur ce dossier, les Etats seuls ont démontré à coup sûr leur impuissance.
1 « Global Trends - Forced Displacement in 2015 », UNHCR : http://www.unhcr.org/576408cd7.
2 « Les dirigeants mondiaux prêts à aider les réfugiés, mais ne s’engagent pas », 20 septembre 2016, lemonde.fr, consulté le 22 septembre 2016 : http://www.lemonde.fr/international/article/2016/09/20/les-dirigeants-mondiaux-prets-a-aider-les-refugies-mais-ne-s-engagent-pas_5000335_3210.html.
3 « Le Sommet sur les réfugiés et les migrants s’ouvre tandis que l’OIM rejoint les Nations Unies », 20 septembre 2016, http://www.iom.int/fr/news/le-sommet-sur-les-refugies-et-les-migrants-souvre-tandis-que-loim-rejoint-les-nations-unies.
4 « Les dirigeants mondiaux prêts à aider les réfugiés, mais ne s’engagent pas », 20 septembre 2016, lemonde.fr, consulté le 22 septembre 2016 : http://www.lemonde.fr/international/article/2016/09/20/les-dirigeants-mondiaux-prets-a-aider-les-refugies-mais-ne-s-engagent-pas_5000335_3210.html.
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