La branche sur laquelle Donald J. Trump est assis se désolidarise de l’arbre international. Si le président américain broie des pinces et affiche des sourires à tout-va à l’écran, une succession de faits tend à montrer que les grandes puissances n’ont que faire de ses remontrances, aussi longtemps que Trump ne reviendra pas sur ses positions. Une distanciation cristallisée à demi-mots dans la déclaration du G20.
Une auto-marginalisation recherchée
Trump, out ? Le président américain avait bien affiché ses intentions en amont de la rencontre des chefs d’Etat et de gouvernement à Hambourg les 7 et 8 juillet 2017. Dans un tweet du 7 juillet, @RealDonaldTrump avait notifié qu’il « représenterait son pays de la meilleure des façons et qu’il se battrait pour défendre ses intérêts ! ». Une position qui, aux yeux des 19 autres leaders mondiaux présents, pourrait le discréditer.
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Imprégnée par le protectionnisme symbolisé par le slogan de sa campagne « Make America Great Again », la politique extérieure du président américain est à rebours des ambitions affichées à l’agenda du G20, concentrées sur la lutte contre le changement climatique et le libre-échange. Avec la sortie des Etats-Unis de l’Accord de Paris annoncée le 1er juin, Donald Trump avait déjà mis un important coup de butoir aux négociations en cours, provoquant une réaction épidermique de la communauté internationale.
La réaction du Président français ne s’était pas faite attendre : « Nous ne renégocierons pas un accord moins ambitieux. Il n’y a pas de plan B car il n’y a pas de planète B ». Sans détour, la chancelière allemande Angela Merkel avait dit « regretter » cette décision avant de préciser qu’elle « nuirait » au monde entier. Un regret partagé dans l’accord final du sommet, notant que les « bénéfices des échanges et investissements n’avaient pas été reconnus par tous », et plus particulièrement par les Etats-Unis.
Marquant sa volonté de rester dans le “Club”, Donald Trump s’est engagé à faire usage d'énergies fossiles propres, concept ô combien controversé. Les négociations du G20 n’ayant pas abouti à un accord entre les 19 membres et les Etats-Unis, un paragraphe s’est greffé à la déclaration, spécialement pour la première puissance mondiale, signe d’un consensus introuvable par sa faute, et symbole de sa marginalisation.
Une nouvelle décision américaine a contraint les négociations du sommet. Invoquant la « sécurité nationale », l’administration Trump souhaite restreindre les importations d’acier dans son pays dans l’optique de relancer l’industrie sidérurgique américaine. Un coup de lapin pour les pays que sont le Canada, le Brésil, le Mexique ou encore la Corée du Sud – qui ont respectivement exporté 440 000, 345 000 et 240 000 tonnes d’aciers vers le pays de l’Oncle Sam en février dernier1 - que les Etats-Unis comptent parmi ses partenaires historiques, eux-mêmes présents au G20.
Face à cela, les membres du G20, par le biais de l’Organisation mondiale du Commerce, envisageraient de mettre en place des « instruments de défense commerciale » qui restent à définir, après la création d’un forum des surcapacités dont la création a été décidée lors du précédent sommet, en septembre 2016. Étonnant à première vue, pour un format tel que le G20 qui inscrit noir sur blanc sa méfiance vis-à-vis de dérives protectionnistes. Dans leur communiqué final, les membres précisent qu’ils continueront à « combattre le protectionnisme, ainsi que toutes les pratiques d’échanges frauduleuses par la reconnaissance du rôle légitime d’instruments de défense des échanges à ces fins2».
Joue les cavaliers seuls si tu le souhaites
Face à la désolidarisation des Etats-Unis, l’inquiétude s’est faite sentir chez les leaders de la scène internationale. Les mises en garde ont fusé. Sigmar Gabriel, chef de la diplomatie allemande, a ainsi déclaré le 27 juin qu’« il n’y a pas de stratégie anti-américaine, et certainement pas de la part du gouvernement allemand, mais il y a des stratèges américains qui planifient une politiques anti-Europe et anti-Allemagne ». Deux jours plus tard, Angela Merkel a déclaré devant le Bundestag que « plus que jamais aujourd’hui, ceux qui croient pouvoir régler les problèmes du monde par le protectionnisme commettent une énorme erreur ».
En mars dernier, l’économiste Sébastien Jean, directeur du Centre d'Études prospectives et d’Informations internationales (CEPII), développait que « le sommet du G20 est une sorte de rupture diplomatique. L’administration Trump veut se distinguer du vocabulaire convenu du G20. Quelque part, c’est une marque de défiance. On n’est pas étonné, mais c’est une façon pour la première fois de matérialiser cette position de confrontation dans une enceinte importante »3. Des propos appuyés par Frédéric Charillon, professeur de sciences politiques à l’Université d’Auvergne et enseignant à Sciences Po paris, invité le vendredi 7 juillet sur le plateau de BFM TV, qui précisait qu’une recomposition des alliances s’opère entre Est/Ouest et Nord/Sud.
Le rapprochement entre le Japon et l’Union européenne le prouve. Le 6 juillet, l’organisation régionale et l’Empire du soleil levant ont trouvé un terrain d’entente économique avec l’annonce d’un « accord de principe » sur un traité commercial. Alors que les négociations avaient débuté en 2013, l’accélération des discussions au début de l’année 2017 témoigne de la méfiance des deux puissances envers la nouvelle figure des Etats-Unis. Agrémentée par l’entrée en vigueur provisoire de l’Accord économique et commercial global (AECG) en septembre 2017, autrement plus connu sous son acronyme anglais CETA, entre le Canada et l’Union européenne, la recomposition des lignes commerciales semble se concentrer autour de l’Europe.
Un terrain d’entente
Si de nombreux nœuds restent à démêler après ces deux jours de sommet, il y a bien un volet sur lequel tous sont unanimes, y compris le président américain : le terrorisme. Alors que ce dernier avait décidé de ne pas endosser l’article 5 de l’Otan, qui prévoit une assistance militaire à un allié en cas d’attaque, il a apaisé les tensions lors de sa visite du 6 juillet à Varsovie en déclarant que « nous [Europe et Etats-Unis] devons travailler ensemble pour nous opposer aux forces, qu'elles viennent de l'intérieur ou de l'extérieur, du Sud ou de l'Est, qui menacent à terme de saper ces valeurs et d'effacer les liens de la culture, de la foi et de la tradition qui font de nous ce que nous sommes ».
Au détour d’une conversation, une journaliste du New York Times s’exaspère : « Il est tellement imprévisible ». Alors que de nombreux acteurs, politiques comme journalistes, n’écartaient pas la possibilité que Donald Trump revienne sur sa décision, notamment sur le sujet climatique. Il s’avère que le milliardaire a su tenir une ligne forte, fidèle à son tweet du 7 juillet. En revanche, son refus de revenir sur sa décision relative à l’Accord de Paris et l’imposition de taxes sur les importations ne feront qu’isoler les Etats-Unis et pénaliser le multilatéralisme, au profit du bilatéralisme. « Chaque fois que nous avons un Congrès républicain, c’est la même histoire », s’offusque cette journaliste du New York Times, « mais le mandat de Trump n’est pas immortel, ni sa ligne politique ». Encore 3 ans.
1 Robequain, Lucie, “Acier : Trump prêt à déclencher une guerre mondiale”, Les Echos, 22 avril 2017, consulté le 8 juillet 2017.
2 “G20-Leaders’ Declaration, Shaping an interconnected world”, Hambourg, 7-8 juillet 2017.
3 Pommier, Sébastien, “Libre-échange : “défiance” et “rupture” du clan Trump au G20”, L’Express, 20 mars 2017, consulté le 7 juillet 2017.
Légende de la photo en bandeau : Emmanuel Macron et Donald Trump au concert donné à la Elbphilarmonie de Hambourg, 7 juillet 2017 (c) Paul Lorgerie.
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