Dans quelques jours, le 22 janvier 2020, la France et l’Allemagne célèbrent le premier anniversaire du traité d’Aix la Chapelle. Conclu 56 ans après le traité de l’Elysée, qui venait sceller la réconciliation franco-allemande, il prévoit une coopération dans des domaines plus élargis. Parmi les nouveautés apportées de cet Accord, les deux anciens ennemis prévoient de renforcer la coopération en politique étrangère. Cela concerne directement l’Afrique.
Si la France a - dès le début de la construction européenne - exprimé le souhait de construire des relations euro-africaines solides, cela n’a pas jamais été une évidence pour l’Allemagne. J’ouvre alors une série d’articles par l’Institut Open Diplomacy pour nous interroger : le couple franco-allemand peut-il être moteur, et à quelles conditions, du développement des relations entre l’UE et l’Afrique ?
A la fin de la Seconde guerre mondiale, l’économie de la République fédérale d’Allemagne est affaiblie. Cette dernière a perdu toute la confiance de ses partenaires internationaux. Ses priorités seront de reconstruire l’économie du pays et de rétablir sa crédibilité sur la scène internationale. La priorité est donnée à la construction européenne. La focale est placée sur les relations avec l’Europe de l’Est et les relations transatlantiques sont décisives. Comment l’évolution des intérêts de l’Allemagne en Afrique a-t-elle pu encourager la coopération franco-allemande avec ce continent ?
Au début était la culture
Considéré par les Allemands comme un continent pauvre dénué d'intérêt, l’Afrique subsaharienne a longtemps fait l’objet d’une politique allemande minimale. Il serait toutefois inexact d’affirmer que l’intérêt allemand pour le continent africain a été totalement inexistant. L’Allemagne, malgré ses hésitations, a dans un premier temps développé des relations politiques, économiques, mais surtout culturelles avec les Etats du continent africain. Après 1949, la RFA met la culture au centre de sa politique avec l’Afrique alors que la tendance dans les autres pays de l’Europe occidentale était plutôt au développement.
Dans un climat de guerre froide, la RFA souhaitait lutter contre l’expansion de l’idéologie communiste amorcée par la République Démocratique d’Allemagne sur le continent africain. Le développement des relations culturelles s’est présenté – entre autres – comme une opportunité de développer une image positive à l’étranger.
L’Auswärtige Kulturpolitik, la politique culturelle étrangère, est alors mise en place dans les années 1960. Elle devient le troisième pilier de la politique étrangère allemande, derrière les domaines économique et diplomatique. La politique culturelle comprend ici aussi bien le développement des arts à l’étranger, que la promotion de la langue, le dialogue interculturel ou encore le rôle de la religion à l’étranger.
En 1961, les premiers instituts culturels Goethe ouvrent leurs portes à Accra et Yaoundé. La coalition SPD/FDP arrivée au pouvoir en 1968 confirmera l’importance des relations culturelles les glissant au cœur de sa politique africaine.
Depuis longtemps, les droits humains dominent l’agenda allemand en Afrique
Le ministère fédéral des affaires étrangères a défini ses priorités comme suit : « L’Europe, le partenariat transatlantique, l’engagement pour la paix et la sécurité, le soutien à la démocratie et aux droits de l’Homme tout comme l’engagement pour une mondialisation durable et équitable et un ordre mondial régulé – voilà le cadre de la politique étrangère allemande ». La défense des droits de l’Homme a eu une place importante dans la politique africaine de l’Allemagne – et de sa politique étrangère de manière générale.
Dès les années 1960, les fondations politiques allemandes ont joué un rôle central dans la défense des valeurs démocratiques en Afrique. Créées, pour la plupart, dans l'après-guerre en réaction à l'échec de la République de Weimar, elles ont d’abord eu pour objectif de stabiliser la RFA. Près de soixante-dix ans plus tard, elles développent des projets visant à renforcer les structures politiques et démocratiques en Afrique subsaharienne.
L’exemple de la fondation Friedrich Ebert (FES) est éloquent : elle dispose d’un réseau très étendu en Afrique subsaharienne et lance de nombreuses initiatives avec la société civile locale. Son objectif ? Promouvoir la démocratie… en passant par la formation politique des élites social-démocrates.
Les relations Afrique - Allemagne se densifient à partir des années 2000
En juin 2000, le ministère fédéral pour la coopération économique et le développement, le BMZ, décide de focaliser sa coopération au développement bilatérale sur un certain nombre de pays dans le monde. Les Etats respectant les droits de l’Homme, l’Etat de droit et les principes de la démocratie sont privilégiés. C’est ainsi que 14 États africains ont été considérés prioritaires. Quelques mois plus tard, le ministère des Affaires étrangères publie à son tour sa stratégie pour l’Afrique insistant sur les « valeurs » de la politique étrangère allemande. Par la suite, l’Allemagne a plus particulièrement soutenu l’Union africaine et la création d’institutions régionales pour une meilleure gestion des conflits.
Malgré la planification active et la multiplication de déclarations politiques, aucune priorité n’a réellement été posée. L’Allemagne du début des années 2000 manque encore d’une stratégie claire dans sa politique africaine globale. Le gouvernement allemand devant former des coalitions a, en effet, du mal à coordonner les activités des ministères aux couleurs politiques différentes.
En 2010, une première tentative de coordination voit le jour : il s’agit d’innover en introduisant la notion de partenariat « d’égal à égal » avec le continent africain et de mettre en cohérence les initiatives allemandes. Sans succès.
Les « Lignes directrices de la politique africaine » publiées en mai 2014 affichent une évolution dans la politique africaine de l’Allemagne. L’accent est mis sur la politique de sécurité en Afrique. Le gouvernement fédéral semble être prêt à envoyer davantage de soldats allemands en Afrique.
L’intérêt de l’Allemagne pour le continent a augmenté entre 2000 et 2014, avec un agenda plus clair en matière de développement et de sécurité. Mais il est - de loin - moins étoffé que celui de la France, historiquement ancrée sur le continent. Reste donc à savoir comment la politique africaine de l’Allemagne et de la France vont être synchronisée pour donner du corps à la doctrine de l’Union européenne.