Un des aspects les plus prégnants de l’intensité de la polycrise qui ébranle le monde aujourd’hui est son volet géopolitique.
Celui-ci se caractérise par la superposition de défis, d’ampleur inédite dans l’histoire, qui menacent notre modèle démocratique, notre organisation en tant qu'État et notre liberté.
L’institut Open Diplomacy a recensé neuf thèmes correspondant à des problématiques et des enjeux simultanés ayant un impact très structurant, voire existentiel, sur l’avenir des démocraties libérales européennes et de leurs citoyens :
- La nouvelle orientation géopolitique des Etats-Unis d’Amérique et le délitement de la relation transatlantique,
- La guerre d’agression russe et la fragilisation de la sécurité de l’Europe,
- L’ébranlement des institutions et des normes internationales,
- L'affirmation de la puissance chinoise et les risques systémiques afférents,
- L’instabilité sur le flanc sud de l’Europe,
- La généralisation et la sophistication des menaces hybrides, notamment dans le champ des perceptions,
- La question de l’autonomie stratégique de l’Europe dans un contexte de recul de la place de celle-ci dans le monde,
- Les choix, priorités et marges de manœuvre en matière de défense,
- L’existence d’un véritable “front intérieur” pour la sécurité nationale, notamment autour de l’enracinement du narcotrafic.
Des historiens, des géopolitologues, des journalistes et des diplomates, chacun expert de ces neuf domaines, se sont prêtés au jeu d’un entretien fouillé.
Tous décrivent l’urgence des situations et l’exigence d’une approche lucide pour y faire face. Cette dynamique nécessitera souvent la remise en cause de schémas de pensée stratégiques anciens et souvent inadaptés à la nouvelle donne.
Affronter la nouvelle orientation géopolitique des Etats-Unis d’Amérique et le délitement de la relation transatlantique
La nouvelle orientation politique, sociétale et internationale des Etats-Unis d’Amérique, constitue la rupture géopolitique la plus récente.
À Washington, issu des urnes, se met en place un régime autocratique : normalisation de la corruption, culte du chef, choix des responsables basés sur une loyauté absolue et non sur la compétence, purges massives de fonctionnaires, mensonge et propagande d’Etat, culture de la menace et de l’intimidation, subjugation des contre-pouvoirs démocratiques.
À l’international, nous assistons à l’émergence d’un état-voyou : discours prédateur sur les territoires et les ressources (Panama, Groënland, Canada, grands fonds marins…), ciblage des juridictions internationales, votes à l’assemblée générale des Nations-Unies aux côtés d’États comme la Russie et la Corée du Nord.
Pour l’Europe en particulier, le risque est bien celui de l’apparition d’une puissance non plus concurrente mais hostile à nos intérêts fondamentaux, qu’ils soient économiques ou même sécuritaires quand Washington ménage l’agresseur russe. L’offensive idéologique de l’exécutif américain et les ingérences de celui-ci contre les valeurs libérales des démocraties européennes constituent un autre front préoccupant.
Or, on peut douter de la réversibilité d’une société américaine très clivée, souvent enfermée dans des bulles informationnelles et où les contre-pouvoirs semblent vaciller. Cette fragilisation interne ainsi que la direction stratégique chaotique du président affectent les Etats-Unis dans leur capacité à peser positivement sur les affaires internationales.
Ce comportement de la première puissance mondiale accentue la tendance du monde à glisser vers une loi de la jungle et constitue une incitation à la prolifération des armes nucléaires (sentiment de vacuité des alliances, prime à l’usage de la violence pour résoudre des différends ou satisfaire les appétits de puissance).
Les Européens prennent conscience d’une rupture mais peinent encore à en tirer toutes les conséquences. Pourtant, l’heure est à la lucidité ainsi qu’aux réactions déterminées face à un partenaire qui sape la confiance réciproque pourtant au cœur de la crédibilité de l’Alliance Atlantique.
Car, si la dimension militaire de cette Alliance existe encore malgré les perspectives d’un désengagement physique des Américains, son indispensable moteur politique agonise.
Faire face à la guerre d’agression russe et à l’affaiblissement de la sécurité en Europe
Le caractère létal du défi de sécurité que pose la menace russe aux démocraties européennes est l’un des marqueurs les plus visibles de l’intensité de la dégradation de notre environnement géopolitique.
La Russie, dont la propagande interne prépare la société à une confrontation civilisationnelle avec l’Occident, représente une menace stratégique croissante pour l’Europe, combinant des dimensions militaire, idéologique et informationnelle. Il nous faut compter avec un régime désormais monolithique, qui a éliminé toute tentative de pluralité politique et renouvelé son élite via la guerre, dans une logique autoritaire héritée de l’ère soviétique.
La Russie procède désormais d’un système militarisé qui tire sa substance de la prolongation du conflit. Il n’est pas dans son intérêt de mettre fin à la confrontation. Le conflit, vu comme un outil de cohésion interne, constitue bien une condition de la sécurité politique du maître du Kremlin. Il est sans doute illusoire d’attendre un changement radical de comportement de Moscou, même si Vladimir Poutine disparaissait. Les pays européens doivent donc inscrire leur réponse dans la durée en ayant conscience que c’est, en définitive, au concept occidental de « liberté » que s’attaque la Russie.
Les attaques dites hybrides, notamment l’utilisation de relais dans nos propres sociétés, ainsi que l’escalade et la déstabilisation « horizontale » (migrations, Afrique, Outre-Mers), mais aussi la capacité du Kremlin à prendre des risques et son mépris culturel de la vie humaine doivent retenir toute notre attention.
La France, de par ses capacités et sa position sur le continent, a un rôle-clé à jouer dans l’orientation des Européens vers un durcissement des relations avec une Russie qui fait le choix d’une confrontation durable car indissociable de la nature même du régime russe.
Tenir bon malgré l’ébranlement des institutions et des normes internationales
L’ébranlement des institutions et des normes internationales constitue l’un des nœuds structurants de la polycrise. Le Conseil de sécurité paralysé, la Cour pénale internationale (CPI) ignorée par les grandes puissances, et l’incapacité à enrayer les violations flagrantes du droit illustrent ce délitement.
Pour nous Européens, notamment, cela signifie la fragilisation du système de relations internationales basé sur le droit qui constitue la référence pour notre interaction avec le reste du monde.
Le paradoxe est que la contestation des cadres multilatéraux hérités de l’après 1945 intervient à un moment où les interdépendances mondiales s’intensifient, et où les biens publics globaux, climat, santé, sécurité, équité, exigent une réponse collective.
Cette crise n’est ni accidentelle ni conjoncturelle : elle résulte à la fois de remises en cause frontales (comme l’agression russe de 2014, ou le retrait américain de plusieurs traités sous Trump), et d’un désengagement progressif, plus insidieux, d’acteurs qui en furent historiquement les bâtisseurs.
Dans ce contexte, l’Union européenne, malgré ses limites, reste l’un des derniers pôles de stabilité normative. Elle peut et doit devenir un moteur de refondation multilatérale, notamment en s’appuyant sur ses institutions, son expérience diplomatique, et sa capacité à coopérer avec les puissances émergentes.
Il est donc permis d’espérer sur la base d’une combinaison entre trois scénarios possibles : le rejet par les États-Unis de la trajectoire en cours vers l’autoritarisme et de l’isolationnisme, le renforcement de la voix européenne, l’élargissement à des coalitions de pays partageant un socle normatif commun.
L’enjeu n’est pas de reproduire le passé mais de le dépasser. La gouvernance mondiale devra être repensée, non pas sur les décombres d’un ancien système, mais sur la base d’une nouvelle alliance entre États, sociétés civiles, acteurs non étatiques, et principes refondés.
Affronter la puissance chinoise qui met tout le système en risque en s’affirmant
La montée en puissance d’une Chine prédatrice et promotrice d’un ordre international alternatif place les Européens dans le statut de cible privilégiée pour Pékin.
La stratégie chinoise à l’égard de l’Europe vise en effet à systématiquement identifier et exploiter des failles interconnectées qu’elles soient d’ordre géopolitique, écologique, économique ou morales.
Pékin agit aujourd’hui comme un acteur déterminé qui cible un continent fragmenté, normatif et technologiquement de plus en plus dépendant. La domination chinoise, qui se révèle notamment par l’ampleur des flux logistiques, est effective dans les secteurs critiques des batteries, des énergies renouvelables, de l’automobile, des semi-conducteurs, de la robotique, de l’IA et du quantique. Même le nucléaire civil apparaît comme un front de dépendance à venir, conséquence de renoncements politiques anciens et funestes.
L’objectif affiché des Européens d’un « derisking » vis-à-vis de la Chine ne se traduit donc pas dans les faits. Il masque la réalité d’un désarmement industriel et stratégique enclenché depuis plusieurs décennies. Grâce à l’accroissement fulgurant de sa masse critique d’ingénieurs, la Chine opère un gigantesque tournant robotique qui est militaire, industriel et civilisationnel. Face à cette vague, l’Europe n’a guère d’autres options qu’une réindustrialisation par le bas, via l’éducation et la formation technique.
Un autre point de bascule géopolitique est celui de Taïwan, où Pékin prépare une offensive d’étouffement progressif, fondée sur le blocus, la sinisation et la neutralisation stratégique.
Face à une stratégie chinoise très aboutie en matière de guerre informationnelle, technologique et sociale, l’Europe, ses institutions et les élites occidentales n’opposent aujourd’hui que des cadres faibles, fragmentés et sans profondeur stratégique.
Ne pas perdre de vue le flanc sud de l’Europe
La complexité pour l’Europe des défis géopolitiques est aussi alimentée par la transformation profonde de son flanc Sud, espace d’instabilités en chaîne de la Méditerranée à l’Océan Indien, et qu’elle peine à pleinement comprendre et donc à intégrer dans sa stratégie.
Cette transformation s’articule autour d’une recomposition assumée des sociétés du Sud autour de quatre moteurs qui structurent la réalité politique de ces pays : le nationalisme, la religion, l’identité et le recours légitime à la force.
L’Europe y est souvent perçue comme une entité vulnérable et pratiquant une politique incohérente, notamment depuis que la suprématie militaire occidentale ne fait plus illusion dans la région.
L’effondrement potentiel des États d’Afrique du Nord sous la pression démographique, la radicalisation religieuse, les conflits internes ou la criminalisation des territoires est un scénario plausible qui pourrait faire émerger un espace de non-droit aux portes de l’Europe.
Or, celle-ci ne montre pas aujourd’hui de vision commune et de long terme, souffre d’une lenteur institutionnelle et risque une dispersion fonctionnelle dans son rapport avec les pays de son flanc Sud.
Une stratégie européenne claire, fondée sur les intérêts mutuels davantage que sur une forme de moralisme, pourrait contribuer à une rénovation des relations. L’Europe doit mieux prendre en compte le facteur identitaire ainsi que les codes politiques des dirigeants du Sud, souvent fondés sur l’autorité et la personnalisation du pouvoir.
Pour espérer contribuer à la stabilisation de son flanc Sud, l’Europe doit oser redevenir un acteur crédible en ne craignant pas le rapport de force et en étant capable de faire peur si nécessaire.
Se protéger contre des menaces hybrides plus sophistiquées et généralisées
Forme revigorée des conflictualités, la guerre hybride s’impose comme un symptôme central et désormais permanent de la polycrise.
Longtemps marginale, cette approche globale du ciblage d’un adversaire permet d’opérer sous les seuils de la guerre déclarée, en évitant la riposte frontale dans un contexte de dissuasion nucléaire. Elle tire partie des zones grises, de l’attribution floue, et de la porosité entre guerre et paix. La dissimulation, l’ambiguïté et la vitesse en sont les marqueurs.
Cette forme de conflit n’est pas nouvelle, mais son ampleur est démultipliée par l'effet accélérateur des technologies, la diversité des vecteurs d’agression et le caractère ouvert des démocraties libérales. Ces innovations abaissent le coût des attaques, les rendant plus massives, quasiment permanentes et plus difficiles à prévenir.
Nos failles sociétales et démocratiques sont un terreau pour la désinformation, la polarisation politique, l’affaiblissement des institutions ou la délégitimation de la science. Le champ de bataille est cognitif autant que cyber. Il implique aussi des acteurs non-étatiques, notamment des entreprises de la « tech », les groupes criminels, des influenceurs ou des milices privées.
La résilience ne se décrète pas : elle s’éduque, se forme, se coordonne. Elle doit être sociétale tout autant qu’étatique. La sécurité devient une affaire de souveraineté cognitive. La capacité de l’Europe à favoriser - ou pas - une convergence stratégique sur les questions régaliennes sera un élément-clé de ce combat.
Embrasser la question de l’autonomie stratégique européenne
Mise à l’épreuve par des chocs systémiques (pandémie mondiale, guerre en Ukraine, dérèglement climatique, et ruptures technologiques) l’autonomie stratégique européenne n’est plus une simple option mais devient une nécessité face à l’avènement d’empires prédateurs.
Elle suppose de permettre aux Européens de décider collectivement, à l’échelle du continent, dans un monde à l’instabilité croissante. Ces secousses ont ouvert des brèches mais aussi enclenché une prise de conscience qui a généré de nouveaux leviers, comme l’endettement commun européen.
Cette autonomie ne peut se réduire aux institutions supranationales de l’Union européenne : elle doit également procéder d’une plus grande coordination des États-membres qui doivent accepter leurs interdépendances.
Si les fractures internes (territoriales, sociales, générationnelles) ne peuvent être traitées, elles alimenteront défiance et repli identitaire. Pour tenter d’éviter ce scénario, il faut une réponse à la fois institutionnelle et démocratique.
À cet égard, des pistes d’amélioration sont possibles pour construire une Europe forte développant une profondeur stratégique connectée à la population et répondant au contexte international. Les besoins portent notamment sur :
- La clarification des compétences entre niveaux de gouvernance (local, national, européen) pour en finir avec la confusion actuelle ;
- Le renforcement de la démocratie participative, via des conventions citoyennes et un parlementarisme doté de moyens, pour reconnecter citoyens et décisions stratégiques ;
- La mobilisation de nouveaux acteurs politiques non-traditionnels autour de projets pour élargir la base d’un récit collectif crédible et retrouver le sens de l’action.
L’Europe doit passer d’un mode réactif à une stratégie d’initiative partagée, à une coordination intelligente des souverainetés, et non la dissolution de celles-ci.
La polycrise peut s’avérer une opportunité de refondation d’un projet politique commun, à condition que celui-ci soit lisible pour les citoyens et ancré dans le réel.
Retrouver les marges de manœuvre économiques et financières
Le défi de l’Europe pour assurer sa défense est nourri à la fois par la résurgence d’une menace létale et par un double décrochage stratégique : le retrait progressif des États-Unis de la sécurité du continent, et l’affaiblissement économique, industriel et militaire des États-membres.
Dans l’immédiat, cette dynamique fragilise la réponse européenne à la guerre hybride en cours (Russie, Chine) et révèle au grand jour l’absence de doctrine cohérente. Malgré leurs engagements publics, la plupart des pays européens peinent à structurer une trajectoire réaliste vers l’objectif d’un réarmement pourtant nécessaire.
Ainsi, en France, la Loi de Programmation Militaire (LPM) est ambitieuse mais trop souvent contredite par des retards budgétaires, des gels de crédits et une exécution en dents de scie. « L’économie de guerre » parfois invoquée relève davantage du discours que d’une mobilisation effective des moyens économiques et industriels.
Or, aucune offre politique sérieuse ne pourra désormais faire l’impasse d’une action à la hauteur des enjeux stratégiques et du caractère existentiel de la menace.
La BITD européenne progresse (fonds européens, coopérations), mais reste fragile sans commandes publiques coordonnées, la coopération restant entravée par les divergences industrielles et les intérêts concurrents des États.
Or, sans structuration de la demande, l’offre industrielle ne pourra se consolider. Des innovations financières (leasing capacitaire, produits d’épargne fléchés) pourraient contribuer à favoriser l’effort, mais posent des questions de souveraineté.
Surtout, un alignement rigoureux entre stratégie, moyens et formats est impératif. La France pourrait jouer un rôle clé en allant encore plus loin dans la clarification de ses priorités et en assumant un positionnement de leader européen dans certains domaines : sécurisation énergétique, acception géographique large de la sécurité du continent, excellence navale et aérienne.
Cela suppose un effort budgétaire renforcé (jusqu’à 3,5 % du PIB, objectif des pays-membres de l’OTAN et amplement justifié par le contenu de la revue nationale stratégique de 2025), adossé à des choix politiques clairs et à des renoncements dans d’autres domaines.
Enfin, une très large mobilisation sociétale constituera une des conditions les plus importantes pour construire la résilience.
Pour une culture de la résilience, nécessaire face à la crise géopolitique au cœur de la
Face à la détermination et l’organisation de nos adversaires, face à la généralisation du recours à la violence armée, face à la quasi-disparition de l’allié américain, la rationalité occidentale est mise à l’épreuve en Europe : nos dirigeants sont confrontés au double défi de la gestion de la complexité et de l’incertitude.
Nos sociétés démocratiques se découvrent vulnérables et, dans la guerre des perceptions, peinent à traiter la dimension non cognitive de leur sécurité. Le besoin d’une convergence sociétale sur la compréhension des menaces et sur ce qui doit être défendu ne pourra passer que par la pédagogie et la gestion de l’anxiété. L’émergence d’une indispensable culture de résilience est à cette condition.
Dans ce contexte, la lucidité, la cohérence, mais aussi la volonté et le courage politique doivent prendre une place centrale pour la définition de nos priorités et la survie de nos sociétés dans leur forme démocratique, notamment autour d’un projet national partagé et compatible avec celui d’une Europe plus forte et plus unie.
Traiter la lutte contre la criminalité organisée et son impact sociétal comme un enjeu majeur de sécurité et de cohésion nationale
Le poids des menaces extérieures sur les démocraties européennes ne doit pas éluder le risque intérieur que représente l’implantation systémique d’activités criminelles ou illicites au sein d’une partie de la population. Face au phénomène visible d’enracinement d’une délinquance organisée, l’inquiétude publique est aujourd’hui davantage relayée. Cette situation pèse sur l’agenda et le climat politique, alimentant la défiance des citoyens envers leurs dirigeants.
L’ancrage et la diversification des activités des réseaux criminels, d’abord structurés autour du trafic des stupéfiants, se traduit par une porosité croissante et inquiétante avec certaines parties de la société.
Il existe ainsi en France une “zone grise démographique” de quelques centaines de milliers d’habitants impliqués à des degrés divers, parfois involontairement, dans un système économique parallèle à base de blanchiment, d’escroquerie ou de détournement. La fragmentation des responsabilités de ces actions, leur décentralisation, leur opacité et même certains “services offerts” à la population par les réseaux criminels en renforcent malheureusement la résilience.
Le principal enjeu pour notre état de droit réside sans doute dans le risque d’une “acceptation à l’usage”, par une partie de la société, d’une corruption qui serait ressentie comme une pratique acceptable “de basse intensité”. Si elle n’est pas traitée, cette situation pourrait engendrer à court terme une fracture civique portant les ingrédients d’une contestation politique potentiellement violente que permettraient notamment les armes en circulation. A cet égard, le phénomène socio-économique que constitue la criminalité organisée doit être appréhendé comme une menace existentielle.
L’action publique doit évidemment s’élever à la mesure de cet enjeu et l’ériger en priorité. Elle doit se traduire par une volonté politique et des moyens d’action, structurels et opérationnels, notamment en matière de renseignement et de procédures. La dimension transfrontalière des réseaux de la criminalité organisée exige aussi un effort plus soutenu en matière de coopération internationale.
Au moment où on observe un empilement inédit des risques et des menaces au niveau global, il serait irresponsable de minimiser la profondeur des fissures sociétales que crée ce problème de sécurité intérieure.
L’Institut Open Diplomacy, fondé en 2010 par Thomas Friang, est un think tank reconnu pour ses travaux d’intérêt général. En 2025, face à l’accumulation de crises
géopolitiques, écologiques, économiques et politiques qui s’aggravent mutuellement, il s’est donné pour mission de « comprendre et combattre la polycrise ».
Pour mener à bien cette mission, l’Institut a constitué un groupe de prospective. Les 10 co-auteurs du rapport ont engagé la réflexion en consultant plus de 30 experts de haut niveau afin d’analyser ces quatre grandes systémiques et leurs rétroactions, pour comprendre la bascule historique qu’opère la polycrise.
Cette étude, intégralement accessible via ces pages, est présentée au Sénat le 31 octobre 2025. Elle marque ainsi le 15e anniversaire de l’Institut Open Diplomacy et pose les bases du prochain sommet du Y7. Organisé sous présidence française du G7, il aura pour thème « combattre la polycrise ».